Dansun amphitheatre Y'avait un macabé Ce macabé disait Il disait Tsoin tsoin Ah s'qu'on s'emmerde ici Merde ici Tsoin tsoin. Interprète. Jo Destré et ses Joyeux Lurons. Label. VIR. Paroles ajoutées par nos membres-A + Ajouter à la playlist. Envoyer à un ami Corriger imprimer. écouter la playliste. Tu vas aussi aimer. DIE Gazo. PAROLES DE CHANSONS SIMILAIRES. top 100 DIE Gazo. top 100 Laphoto ayant été prise au mois de mars, Palmyre y connaît son bref printemps, la terre a été retournée et/ou labourée en prévision des cultures d’été. Traversant les tracés des labours et les planches d’irrigation2, on voit clairement la double forme elliptique-circulaire d’un amphithéâtre. Providedto YouTube by Believe SASDans un amphithéâtre · Camping OrchestraLe pire des chansons paillardes et à boire℗ MVS RecordsReleased on: 2010-12-06Autho Vay Tiền Nhanh. Publié dans la catégorie Italie Après deux mois en Sicile, nous concrétisons un autre rêve, celui de vivre dans les Pouilles pendant un petit moment. À vrai dire, nous nous imaginerions bien habiter dans chacune des vingt régions italiennes, mais chaque chose en son temps. C’est ainsi qu’un beau matin de juin, encore engourdis par notre nuit de bus, nous réalisons nos premiers pas dans la ville de Lecce, tout au sud de l’Italie. Celle-ci fera office de décor à notre vie de vagabonds durant un mois. Loin d’être pouilleuse », Lecce nous fait immédiatement forte impression. Elle est sans conteste l’une des plus belles villes de l’un des plus beaux pays au monde. À peine la Porta Napoli franchie, nous sommes éblouis, au sens propre comme au sens figuré. Le centre de Lecce, intégralement taillé de pierres blanches, s’est juré de faire chavirer les âmes les moins romantiques et les lunettes de soleil les plus sombres. Nous longeons des églises baroques et des palais d’époque, sous l’œil amusé de statues de saints sourcilleux et de chérubins dodus, puis toujours plus d’églises baroques et de palais d’époque, avant de ressortir par la Porta Rudiae et rejoindre le studio qui nous attend. Quelle entrée en matière ! Un mois, c’est beaucoup pour une ville qui se visite en trois heures. Nous nous sommes donc retrouvés à répéter en boucle deux activités flâner dans les ruelles et manger. Cependant, Lecce s’avère une excellente base pour explorer la région des Pouilles, et plus particulièrement la péninsule du Salento, son extrémité sud. Rien n’a encore été inventé de mieux, après une dure journée de balade ou de baignade, que de prendre une douche et ressortir siroter du vin blanc dans une jolie rue pavée. Le centre de Lecce en long, en large et en chemins de traverse À Lecce, tout se visite à pied et le nez en l’air. Si vous avez de bonnes chaussures, suivez-nous, nous allons tâcher de vous présenter les lieux les plus intéressants de la ville. Tout d’abord, le centre est traversé par la via Giuseppe Libertini. Parcourir cette rue principale, c’est déjà admirer quelques palais pas laids et d’exquises églises. Si vous remarquez sur l’une d’elles une chèvre surmontée d’un brocoli, il s’agit en réalité d’une louve et d’un arbre, les symboles de la ville. La pierre de Lecce se sculpte sans difficulté, mais elle s’érode tout aussi facilement. Vers la moitié de cette rue, vous ne pourrez pas rater l’ouverture qui mène à la plus belle réussite de Lecce, à savoir la Piazza del Duomo. Ici, tout est beau, blanc et baroque à 360°. Si vous avez la possibilité de vous y rendre de nuit, la place se transforme en un îlot de calme mis en valeur par la douce lumière des réverbères. Toujours sur la fameuse via Giuseppe Libertini, à l’extrémité est, se trouve une autre place plus récente et tout aussi riche en monuments historiques, la Piazza Sant’Oronzo. Au pied d’une étrange église vénitienne mise sous verre et de la grande Banque d’Italie, s’étale un bout d’amphithéâtre romain. La façade de la banque était prévue pour être droite, mais la découverte des vieilles pierres sous le chantier en a voulu autrement. Non loin, les amateurs de gros murs apprécieront le mastoc château Charles V, dont la visite du rez-de-chaussée est gratuite la partie payante est paraît-il décevante, passez votre chemin. Ceux qui préfèrent la finesse et la délicatesse les trouveront toutes deux au Couvent des Célestins, qui fait maintenant office de siège du gouvernement local. Admirez au passage la façade de la basilique de Santa Croce mitoyenne, malheureusement en rénovation lors de notre séjour. À force de voir monsieur et madame Tout-le-Monde entrer dans cet ancien couvent comme dans un moulin, dans un élan de sagacité, nous avons fini par comprendre qu’il possédait une sortie arrière. Nous vous invitons à l’emprunter pour tomber nez à nez avec le parc Villa Comunale. Les espaces verts ne sont pas nombreux dans les vieilles cités italiennes, savourez. En fin de journée, le jardin devient le lieu de rendez-vous des retraités leccesi, qui arrivent à bicyclette, élisent un banc et s’y installent pour échanger des nouvelles fraîches tout en profitant de la fraîche. C’est également un bon endroit où grignoter à l’ombre une part de focaccia aux tomates cerises. Retournons maintenant dans les ruelles du centre pour digérer tout cela. Notre partie préférée de Lecce n’est pas celle des lieux touristiques principaux. C’est plutôt l’adorable labyrinthe de ruelles qui se tortillent et s’entremêlent dans les recoins de la vieille ville, à tel point qu’il nous faudra bien deux semaines pour parvenir à nous y repérer sans plan. Nous évoluons alors dans un monde de petites maisons de pierre, de vieilles portes en bois sculpté, de chats nonchalants, de balcons fleuris et même, dans les plus infimes artères, d’habitants qui vivent encore portes et fenêtres ouvertes, la télévision en action et la cocotte-minute qui siffle. En prime, au mois de juin, nous avons régulièrement droit à l’ensorcelant parfum des arbustes de jasmin et aux couleurs vives des bougainvilliers en fleur. Probablement les deux meilleurs inventions mises à disposition des jardiniers par la nature. Nous vous glissons deux noms de ruelles charmantes via Antonio Galateo et via Beccherie Vecchie. Mais le mieux, pour visiter Lecce, reste de s’y perdre. Avec un peu de chance, vous tomberez même sur le discret petit théâtre romain à ne pas confondre avec l’amphithéâtre. Mais où sont passés les habitants de Lecce ? À force de tourner dans le centre historique, nous finissons par remarquer… qu’il ne possède aucun magasin de fruits et légumes. Aucun opticien, aucune auto-école, aucun coiffeur. Aucune boutique normale, juste des restaurants, des échoppes pour touristes et des plaquettes indiquant des Bed & Breakfast tous les douze pas. Comme dans beaucoup de villes méditerranéennes, il vint un temps où la population ne supporta plus de vivre serrée dans de vieilles ruelles médiévales. Lorsqu’une ville nouvelle, spacieuse et rectiligne jaillit de terre juste à côté, les habitants du centre s’y engouffrèrent. Jetez un coup d’œil au quartier qui entoure la place Giuseppe Mazzini, ici se cachent les boutiques de prêt-à-porter, les boulangeries, les fleuristes et toute la vie locale ! L’arrivée des touristes a changé la donne. Lecce a rapidement compris l’attrait que suscitaient ses vieux murs et les a rénovés pour héberger ses nouveaux invités. Rassurez-vous, il reste certaines occasions pour lesquelles les leccesi se réapproprient leur vieux centre. D’abord, tous les weekends, les églises s’emplissent de mille fleurs pour accueillir d’élégants mariages. Et puis, un peu tous les jours mais surtout le samedi soir, il y a la fameuse passeggiata, lorsque les habitants sont subitement pris d’une envie d’arpenter la ruelle principale de Lecce. Ils s’habillent avec soin, débarquent par toutes les portes, s’achètent une glace et évoluent le plus lentement possible d’un bout à l’autre du centre historique. La foule est incroyable, il faut le voir pour le croire ! Le secret, si vous souhaitez vivre avec les locaux, consiste donc à… faire une bonne grosse sieste et ressortir en pleine forme à 22h ! Et si vous restez très tard, vous profiterez seuls de l’éclairage nocturne qui habille à merveille la pierre blanche. Découvrir Lecce par l’assiette La vieille ville est parsemée de mignonnes terrasses de restaurants qui donnent plus envie les unes que les autres. Mais que mange-t-on à Lecce ? Démarrons cette chronique culinaire par quelques spécialités bien locales. Les deux plats les plus fréquemment mis en avant sont la frisa et la puccia. L’une est un morceau de pain sec recouvert de dés de tomates, ressemblant à la bruschetta mais possédant une texture bien différente. L’autre est un sandwich rond typique d’ici, farci à tout ce qui vous ferait plaisir. Les deux plats suivants, bien rustiques, semblent arriver droit du Moyen Âge. La fava est une purée de fèves traditionnellement accompagnée à Lecce de feuilles de chicorée. Quant au ciceri e tria, il s’agit d’une soupe aux pâtes frites et aux pois chiches. Mi-fugue a adoré, Mi-raison… pas tellement. Le plat qui nous réconcilie est évidemment la pizza. Nous avons une adresse délicieuse à vous confier plus bas, dans les infos pratiques. Dans cette pizzeria, les ingrédients sont si savoureux que la version la plus simple, garnie uniquement de sauce tomate, de basilic et d’ail, est une tuerie et pas seulement pour l’haleine. Le gros point fort de Lecce, c’est aussi le fait que n’importe quelle petite boulangerie prépare et vende de la focaccia bien fraîche. Vous pointez du doigt celle qui vous fait de l’œil nature, patates, tomates cerises… et en demandez une tranche selon votre appétit. Nos balades se terminent d’ailleurs souvent par l’achat d’une part de pizza ou de focaccia, dégustée en fin de journée sur notre mini balcon, lorsque les températures redeviennent supportables. La belle vie à l’italienne ! Enfin, niveau boisson, nous avons craqué pour le caffè leccese, dégusté glacé avec du lait d’amande. L’essayer c’est l’adopter. Le cimetière de Lecce Vous avez du temps à tuer à Lecce ? Ça tombe bien, nous avons une dernière demeure à vous conseiller. Alors oui, cela peut paraître glauque, mais cet élégant cimetière mérite une visite ! Surtout la zone des mausolées, où les riches familles se sont fait bâtir de vrais monuments miniatures. Vous pouvez vous y rendre en dix minutes à pied depuis la Porta Napoli. Une fois face à l’église du cimetière, franchissez la petite porte à sa gauche. Notre avis sur Lecce Cette ville est réellement superbe ! Les amoureux de l’Italie y flâneront avec délectation et profiteront des terrasses ensoleillées des heures durant. Cependant, il y a tant d’autres beaux endroits à voir dans la région des Pouilles qu’il n’est à notre avis pas nécessaire de prévoir plus d’une demi-journée à Lecce. À moins de vous en servir comme base pour explorer le reste du Salento ou les plages du coin. La plus proche ne se situe qu’à 13km. Sur le long terme, nous avons trouvé la ville un peu endormie. Elle n’a pas ce côté joyeusement bordélique que nous avons adoré à Palerme, Naples ou Bari. Elle manque également de manifestations culturelles telles que des concerts ou spectacles. Restent la passeggiata et la gastronomie italienne pour se divertir ! Conseils pratiques pour visiter Lecce Où manger à Lecce Prenez des notes car nous avons une longue liste d’adresses. Et les végétariens n’auront rien à craindre, les Pouilles sont probablement la région d’Italie où il est le plus facile de se régaler sans viande ! Une excellente part de pizza ? Foncez chez Pizza & Co. À partir de 19h, les sympathiques gérants préparent des pizzas toutes fraîches dont ils coupent de larges parts pour 2-3€. Et si aucune ne vous convient, ils en cuisinent de nouvelles à la demande. Même les recettes les plus simples sont divines. Trois petites tables sont posées dans la rue, souvent déjà pleines à craquer. Installez-vous alors sur les marches de l’église voisine. Une bonne focaccia ? Malgré son nom français, Boulangerie, dans le quartier nouveau, est une excellente adresse. La terrasse est agréable, surtout le matin, pour prendre un petit déjeuner au milieu des locaux qui feuillettent le journal. Une glace ? Notre glacier préféré est la Pasticceria Natale. Les parfums sont nombreux et particulièrement réussis, comme le chocolat-orange ou le chocolat-rhum. Un caffè leccese bien frais ? Nous conseillons Caffè Cittadino. Les prix sont un peu plus élevés qu’ailleurs, mais la qualité est là. Nous y revenions souvent pour travailler sur nos ordinateurs car il s’agit du seul café vraiment adapté à Lecce. Un Spritz ou un verre de vin, voire un aperitivo ? Repérez la toute petite terrasse de La Galleria, juste en face du Couvent des Célestins. L’équipe derrière le bar s’applique. Si vous préférez tenter un Spritz à la framboise ou cerise sacrilège ?, ou encore d’autres cocktails originaux, vous pouvez vous installer sur la ravissante terrasse d’Al Baffo. Des plats typiques de Lecce ? Du côté des vrais » restaurants, c’est chez Alle Due Corti que nous avons goûté la fava à la chicorée et les ciceri e tria. Comptez 8€ le plat. Cela vient avec une décoration un peu poussiéreuse, mais typique elle aussi ! Une pizza un peu mieux installés que chez Pizza & Co ? La petite terrasse de chez Ciro Pizzeria est parfaite avec vue sur une belle église. Il s’agit cette fois-ci de pizzas individuelles, délicieuses et pas chères entre 4 et 8€. Dommage qu’ils servent dans des assiettes en plastique. Si vous ne souhaitez pas attendre pour obtenir une table, visez d’arriver avant 20h. Où dormir à Lecce L’idéal pour profiter des charmes de la ville est indéniablement de loger dans le centre historique. De nombreuses petites maisons d’hôtes discrètes se sont installées dans des bâtiments rénovés des vieilles ruelles de Lecce. Voir ici les logements les mieux notés de la villei. Par exemple, Dimi House ~65€i semble offrir un très bon rapport qualité/prix. Si vous avez plus de budget, nous avons également repéré la superbe Dimora Storica Muratore ~100€i qui nous faisait baver à chaque fois que nous longions sa façade. Visiter les églises de Lecce La plupart des églises sont payantes et font l’objet d’un ticket commun que vous pouvez acheter sur la Piazza del Duomo. Le tarif est de 10€ par personne ou 20€ pour une famille entière. Venir à Lecce en transports La ville de Lecce est le terminus d’une ligne de train un peu lente mais bon marché qui remonte toute la côte est jusqu’au nord de l’Italie. Comptez par exemple 1h40 depuis Bari ou 7h depuis Bologne. Vous avez aussi la possibilité de traverser vers la côte ouest et atteindre Rome ou Naples par exemple, en procédant à des changements. Sinon, les bus de ligne sont très efficaces en Italie. C’est à bord d’un bus de nuit que nous sommes arrivés à Lecce depuis Milazzo en Sicile, pour 20€. Il faut juste prévoir de bonnes boules Quies car les Italiens aiment papoter du matin au soir, puis du soir au matin. Pour comparer les différentes compagnies, nous vous conseillons le site Visiter le reste des Pouilles sans voiture Nous avons réalisé quelques belles excursions dans les Pouilles depuis Lecce. Voici les deux articles dans lesquels vous pouvez piocher des idées Deux jours à vélo au milieu des trulli, d’Ostuni à Alberobello Tous nos conseils pour visiter les Pouilles À propos de nous Nous sommes deux fugueurs nous avons changé de vie pour voyager en continu à travers le monde, sans date de retour. Nous avançons au gré de nos envies, sans nous précipiter. Pour en savoir plus, c'est ici. Vous avez une question ? Vous repérez une erreur dans l'article ? Une adresse a fermé ? Laissez-nous un message un peu plus bas. Vous souhaitez nous remercier pour les conseils du blog et nous encourager à continuer ? Voici diverses manières de le faire. Index Outline Text Bibliography Notes References About the author Full text 1Dans le hall du bâtiment, ils attendent en bavardant, affichant des attitudes décontractées et nonchalantes que trahissent, cependant, des rires un peu forcés, des regards inquiets. Enfin, trois ou quatre garçons, parmi ceux qui rient et parlent le plus fort, osent pousser la porte battante sur laquelle est affiché cet avertissement Laboratoire d'anatomie. Passage interdit à toute personne étrangère au service. » Nous voici dans un sombre couloir. Les rangs se resserrent. Ici des fioles de parfum circulent, dont on imbibe mouchoirs ou foulards, là on s'inquiète J'ai pas envie d'y aller, je vais pas le supporter », on s'interroge Tu crois que ça saigne ? », Y'en a qui se sont évanouis ? », on se rassure C'est une chose, c'est pas une personne », ailleurs on fanfaronne Si je vois pas mon mort, je fais un caca nerveux ! » Enfin, les étudiants du groupe précédent sortent de la salle Alors ? – C'est nul, on voit rien ! », C'est de la viande ! », Surtout ne pensez pas que ce sont des êtres humains. » Entre leur fausse modestie un rien condescendante Vous allez voir, c'est pas si terrible ! » et leur franc dégoût Ah ! C'est dégueulasse ! », chacun s'efforce de se faire une idée de ce qui l'attend. Il faut pourtant se résoudre à franchir la porte, un dernier regard en arrière, une dernière bouffée d'air pur, et l'on pénètre dans la salle de dissection1. 2Aux perplexités des jeunes étudiants en médecine, que nous voyons hésiter entre inquiétude et fanfaronnade au moment d'assister à leur première dissection, font écho les souvenirs ambivalents de leurs confrères plus âgés. Ceux-ci dénoncent l'absence de valeur pédagogique des travaux pratiques d'anatomie l'intérêt est nul », je voyais pas à quoi ça nous servait », sur le plan anatomique j'en ai rien retiré », que l'on peut résumer par cette formule lapidaire qui revient avec insistance on n'y voit rien ». En même temps, ces séances demeurent remarquablement présentes dans leur mémoire, qui les associe toujours à une tradition », une coutume », à ce point nécessaire que ne pas s'y soumettre serait risquer de ne jamais devenir tout à fait médecin Ça m'aurait presque frustrée de faire des études de médecine sans avoir vu mon petit macchab' en salle d'anat' ... J'avais envie de voir, parce qu'il faut aller voir. » Ainsi, cette nécessité, confusément ressentie, semble faire des exercices de dissection le cadre obligé d'une expérience spécifique, le lieu et le moment d'acquisition d'un savoir autre », qui fait » le médecin. 3Or cette conviction trouve une première confirmation dans le nom même donné aux étudiants en médecine – les carabins, lequel les associe justement à la violence meurtrière et aux manipulations de cadavres. Au xvie siècle, ce terme désigne un soldat de cavalerie légère » Littré 1877, puis par extension une personne qui agit par boutade, en tirailleur, sans mettre de suite dans ses actions » Larousse 1866-1879. Appliqué à l'univers médical, il a d'abord désigné les aides chirurgiens par exemple les carabins de Saint-Côme, du nom de l'école de chirurgie à Paris » ibid., avant de s'élargir, au siècle dernier, à l'ensemble des étudiants en médecine. Si les dictionnaires s'accordent sur les divers usages de ce mot, l'étymologie en demeure obscure2. Le Littré 1877 en propose deux, soit Calabre, machine de guerre en provençal, soit Calabrinus, qui est de Calabre pays des carabiniers, le passage du soldat à l'étudiant se faisant par dénigrement. Le Trésor de la langue française Imbs 1977, quant à lui, suggère une altération d'escarrabin, ensevelisseur de pestiférés au xvie siècle, venant lui-même d'escarbot, insecte fouillant la terre et le fumier. La réputation d'efficacité des soldats carabins pour liquider leurs ennemis, attribuée par dérision aux aides chirurgiens inexpérimentés, rendrait compte de l'évolution sémantique. Faire de tout étudiant en médecine un carabin, n'est-ce pas, dès lors, l'inscrire dans une relation particulière à la mort et aux morts ? 4Cependant, les facultés de médecine témoignent, à leur tour, d'une remarquable ambivalence, dans le temps, à l'égard des dissections. Longtemps, c'est dans la clandestinité, bravant les interdits, que les chirurgiens ont pu les pratiquer3. Ce n'est que progressivement que la dissection, comme base de l'anatomie, s'est affirmée comme indispensable à la bonne formation des praticiens. Elle ne se verra pleinement légitimée qu'a posteriori par les savants du xviiie siècle, bénéficiant de l'essor de la méthode anatomo-clinique4. Mais, alors qu'on aurait pu s'attendre à son déclin alors que se diffusent, depuis les années quatre-vingt, des techniques d'imagerie médicale de plus en plus sophistiquées et dotées d'une bien plus grande valeur didactique, on observe au contraire un effort de revalorisation de la dissection, à l'initiative des étudiants, soutenus par les enseignants d'anatomie qui affirment, eux aussi, sa nécessité, alimentant ainsi une polémique au sein de l'Université. 5Enfin, la place accordée à cet enseignement pratique est loin d'être identique dans tous les pays. En Italie, ne serait-ce que du fait d'un très grand nombre d'inscrits, les séances de dissection sont devenues facultatives et réduites, lorsqu'elles existent, à une démonstration magistrale, où seuls opèrent le professeur et son assistant. Aux États-Unis5, à l'inverse, les étudiants doivent disséquer dès la première année et, par petits groupes de cinq ou six, se voient attribuer un corps sur lequel ils vont travailler tout un semestre. Actuellement en France – du moins dans les facultés toulousaines – si ces séances sont obligatoires, notées et sanctionnées par un examen oral, les étudiants, en revanche, ne sont plus tenus de disséquer eux-mêmes6. 6Aussi, pour donner sens à cet enseignement qui paraît marquer définitivement ceux qui s'y sont soumis, tout en faisant l'objet d'évaluations aussi contrastées, dans la longue durée comme dans la diversité présente des formations, suivons donc nos étudiants dans la salle d'anatomie. Seule, en effet, l'observation directe confrontée aux souvenirs d'étudiants plus âgés et de plusieurs générations de praticiens, nous permettra de reconnaître la tradition » dont relèvent, dit-on, ces travaux pratiques, revendiqués comme une nécessité coutumière »7. Y'avait un macchabée... 7Dans la salle, une chaire, un tableau noir, une dizaine de paillasses. Les rideaux sont tirés, les néons allumés. Malgré une mise en garde de leurs camarades Surtout, ne regardez pas au fond ! », pas un qui n'y porte d'emblée son regard. Là, étendus sur quatre tables en inox, les corps, plus ou moins bien recouverts d'une pièce de toile de jute marron. Les étudiants s'installent le plus loin possible d'eux, se groupant – contrairement à leurs habitudes – aux premiers rangs à trois ou quatre par table. On se regarde, à la fois excité et mal à l'aise. Mon voisin me souffle Ils font pas vrai, on dirait pas des vrais. » Mais la séance commence. Au tableau, un volontaire planche sur la question de ce premier jour la région scapulaire »8, guidé par les remarques de deux moniteurs9 ; les autres, studieux, prennent des notes en silence. Au bout d'une heure, tous commencent visiblement à s'impatienter, ils s'agitent, chuchotent, se retournent... Enfin, les enseignants annoncent, souriants On va disséquer. Vous allez disséquer, si vous voulez... Vous êtes venus pour ça, non ? », et tous de rire nerveusement en attrapant leur blouse blanche – pour ceux qui l'ont apportée – et en se dirigeant vers les cadavres. Inaugurant la démonstration, chaque prosecteur découvre un corps devant les étudiants Le but de cette année, c'est la mémoire visuelle. » Dans un murmure, on s'installe autour du théâtre anatomique ». Certains enfilent avec détermination des gants en caoutchouc, deux volontaires vont manier le scalpel et la pince en tentant malhabilement de suivre instructions et commentaires de l'enseignant. Il s'agit maintenant de dégager la région ou l'organe que l'on vient d'étudier et de schématiser au tableau, afin de l'observer in situ en trois dimensions. C'est bien sur cet aspect qu'insistent les professeurs d'anatomie, en réaction contre la tendance actuelle qui verrait l'enseignement de la médecine se [faire] au tableau », ceux qui justement défendent envers et contre tous leurs » travaux pratiques expliquant ainsi certaines carences techniques constatées chez les internes en chirurgie qui ne vont jamais à l'amphithéâtre pour disséquer » ou qui s'ils l'ont fait, on l'a fait pour eux en première année et ils l'ont oublié complètement ». Mais ces exercices que le discours pédagogique présente comme un prérequis indispensable à l'étude du fonctionnement normal et pathologique des organes, constituent, pour les étudiants, une véritable épreuve, physique et psychique – on n'était pas dans notre état normal... personne » –, dont la réussite nécessite un apprentissage particulier. 8La participation aux tâches à accomplir, ne serait-ce que la simple observation, se heurte d'emblée à une série d'obstacles. Le premier, qui saute au nez dès que l'on franchit la porte, est souligné par tous l'odeur. C'est que, se souvient un urologue, il s'agit d'une odeur ... difficilement rapprochable d'autre chose... pas du tout une odeur de mort. Une odeur de formol, mais pas un formol comme on l'entend, du moins comme on sent. C'est un formol imbibant quelque chose, et... c'est vrai qu'il y a une odeur caractéristique, un peu comme le métro, une odeur qu'on n'arrive pas à définir... mais qui n'est pas forcément agréable, même qui est assez suffocante ». Voire, nous dira-t-on, pestilentielle », dégueulasse » ou ignoble ». 9Le deuxième sens mis à rude épreuve est la vue, tant à cause de la couleur des cadavres, jaunâtre », un peu verdâtre », que de leur aspect général, raides, desséchés », décharnés », en décomposition ». Séverine raconte sa première séance J'ai vu le cadavre, je me suis mise à pleurer, et je suis partie. » Les évanouissements, à vrai dire assez rares, mais redoutés par tous les étudiants – Moi, j'avais peur de tomber... d'avoir un malaise, au premier » – constituent une autre forme de fuite dont les jeunes Américains interviewés par Segal 1988 20 explicitent l'enjeu si l'on craint une éventuelle syncope, c'est que celle-ci pourrait faire douter de la capacité à devenir médecin. De fait, quelques mètres de distance entre le corps et soi suffisent le plus souvent pour pouvoir agir par personne interposée ainsi, Isabelle, qui ne s'approchera pas de la table, précisera J'ai pas regardé le corps, j'ai regardé les têtes [de ses camarades], et rien qu'à voir les têtes j'imaginais ce qu'ils pouvaient faire ! » Bref, ce spectacle est tellement ignoble » que, ajoute ce même chirurgien, il y avait une règle... éthique, qui existe encore, et qui faisait que les rideaux doivent être tirés dans la salle de dissection. Pour pas que n'importe qui vienne regarder ». 10Transgresser cette règle est justement le premier devoir des jeunes étudiants, qu'avant même la première séance, leurs aînés soumettent à un apprentissage progressif en les invitant à se hisser subrepticement sur une borne et à se glisser à l'intérieur d'une haie de sapinettes pour entrevoir, à la faveur d'un rideau mal tiré, un bout » de cadavre. Certains, plus téméraires, essayent même de s'introduire clandestinement dans le laboratoire. Épreuve qui distingue les futurs médecins, voir les cadavres est, à l'inverse, interdit à tous ceux qui n'exerceront jamais la médecine, et cette règle commandait au xixe siècle, la construction des nouveaux amphithéâtres d'anatomie le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales stipule qu'à défaut de les éloigner des villes, il faut les entourer de murs très élevés » et surtout que les jours pris au dehors soient munis de treillages à mailles serrées ou de volets en tabatière, comme on le fait pour les prisons de manière à dérober à la vue des voisins le spectacle répugnant des travaux qui s'y accomplissent » Dechambre Anatomie. Quant à ceux qui doivent franchir les portes de l'amphithéâtre, la confrontation avec les corps doit être, à son tour, progressive le tout [est] recouvert de toile de jute, pour ne pas agresser l'œil d'emblée ». Et l'on s'indigne lorsque cette règle implicite n'est pas respectée On est rentrés, on a vu les cadavres découverts. Ils les avaient pas recouverts .... On est entrés en plein dans le vif ! » 11Rares sont les étudiants qui vont aller jusqu'au toucher, malgré la mise à leur disposition de gants en latex. Ceux qui auront osé, préciseront avec une moue dégoûtée, que c'était sec, froid », cartonneux », raide, dur comme du béton armé », bref fort éloigné de l'expérience habituelle d'un corps humain. Ainsi, à l'épreuve des sens, ces morts se révèlent comme autant d'êtres bizarres », de nature incertaine, de statut mal défini et qui, en outre, s'inscrivent dans une diversité qu'il s'agit d'apprendre à distinguer. 12Ces êtres auxquels sont confrontés les étudiants, sont, bien sûr, des cadavres. Mais, s'agit-il vraiment de cadavres d'êtres humains ? C'est quelque chose de déshumanisé... pas humain, quoi », j'avais du mal à imaginer que c'était des gens morts, qui avaient pu avoir une vie antérieure », [ils ont] des traits qui ne sont pas des traits d'êtres qui ont pu vivre il y a quelques mois ou années ». Devenir carabin, c'est, au fil des séances, apprendre à distinguer ces cadavres vieux », ancestraux », moyenâgeux », des cadavres frais, non préparés, entreposés au froid, à la morgue, qui ont conservé la plupart des caractéristiques de la vie, et qui, de ce fait, se voient attribuer une valeur supérieure On attendait les cadavres frais, parce que c'est vraiment dégueulasse les cadavres formolés. » La distinction s'accompagne donc d'une hiérarchisation des êtres manipulés, fondée sur une proximité de plus en plus grande avec le vivant10. Chaque étape franchie dans ce registre marque une progression parallèle des étudiants dans une autre hiérarchie, celle basée sur la connaissance et l'expérience acquises tout au long du cursus universitaire Les prosecteurs, les moniteurs se servaient d'abord », parce qu'on est en deuxième année, on nous donne des vieux, enfin des cadavres assez vieux, parce qu'ils sont pas frais, là ». Les enseignants eux-mêmes les encouragent en ce sens S'il y en a qui sont vraiment intéressés, laissez votre téléphone et on vous appellera pour les cadavres frais. » Anne, qui a arrêté ses études de médecine en troisième année en 1961, met clairement en évidence la différence de statut Si on voulait mieux comprendre ce qu'on avait fait à la dissection, on descendait à la morgue ... et on refaisait la dissection sur un mort frais11. » 13L'incertitude quant à la nature de ces êtres réservés au tout premier apprentissage se retrouve dans la diversité des termes employés par les étudiants pour les désigner. Pour certains, c'est des gars qu'on connaît pas », des types », pour d'autres de la viande et puis c'est tout, ça pourrait être un bœuf, un lapin... », voire de la charogne », ou encore un outil de travail ». A l'opposé, cet échange entre deux amis se croisant au sortir d'une séance C'était le même bonhomme ? – Non, c'était une dame. » Ces incertitudes lexicales sont d'autant plus remarquables qu'elles s'opposent aux façons de parler propres aux enseignants – et à la plupart des médecins – qui reconnaissent en eux des macchabées. Aussi, s'exercer aux dissections anatomiques, n'est-ce pas seulement acquérir un savoir positif sur la structure de tel ou tel organe. C'est, tout autant, maîtriser les règles et les usages qui permettent de fréquenter ces êtres qui peuplent les théâtres d'anatomie. Apprendre, à son tour, à les nommer, c'est apprendre à reconnaître en eux des êtres sociaux à part entière, comparables à ces autres êtres sociaux que sont dans bien des sociétés les morts avec lesquels on communique et qui jouent un rôle dans cette vie. Or, en Europe, le groupe des morts, on le sait, est plus particulièrement fréquenté par les jeunes gens au temps de leur formation » coutumière12. N'est-ce pas, dès lors, de cette même tradition » que relève la nécessité, pour les carabins, de se soumettre à l'épreuve des macchabées ? A chacun sa distance 14Faire des cadavres à disséquer des macchabées, c'est, tout d'abord, les soumettre à une série de manipulations » qui ne se réduisent pas aux techniques de dissection. Il importe en premier lieu de se préserver de leur odeur de moisi » et de décomposition », ce à quoi s'emploient les mouchoirs parfumés observés entre les mains de nos néophytes, leurs écharpes et leurs cols roulés. Mais il existe d'autres recours Je me mettais toujours derrière la même fille, parce qu'elle sentait bon », et d'autres écrans On essayait de masquer l'odeur en fumant comme des pompiers, le cadavre se perdait dans les nuages. » Or il s'agit moins de se préserver de l'odeur des cadavres que de soumettre ceux-ci à une métamorphose progressive dont les nuages de parfum et de fumée sont à la fois la condition et le résultat. Ainsi dissoute, la matérialité répulsive des corps morts peut faire place à ce qui a pu leur servir autrefois de substitut13 cires, préparations anatomiques et autres modèles artificiels exposés dans les musées d'anatomie et que les étudiants sont engagés à visiter aujourd'hui encore. Aux macchabées, on reconnaît un aspect cireux », on dirait des mannequins », c'est comme le musée d'anat, ça serait de la cire... Ça fait pas humain ! » Cette assimilation suggère des jeux de substitution que nous révèlent des biographies de médecins Au milieu des cadavres, il arrivait qu'un plaisantin glissât l'un des modèles en cire fabriqués à dessein ils étaient fendus par-devant et la tripaille dégringolait. Il était difficile de distinguer le faux cadavre du vrai, car l'on fumait trop de cigares pour tuer la puanteur et l'on avait trop l'habitude de détourner les yeux dès qu'on ne travaillait pas directement. Quelqu'un plongeait sa lame dans la cire colorée, et de grands éclats de rire volaient au-dessus des tables » Paul West 1991 175-17614. 15Mais, tandis que les étudiants s'emploient à métamorphoser les cadavres en mannequins, en corps de cire » aux visages semblables aux masques » des anciens rituels funéraires, les enseignants les invitent à soumettre les macchabées à des techniques de morcellement qui prolongent celles que certains mettent spontanément en œuvre. Ce peut être un découpage virtuel, comme pour Séverine Je me suis mise derrière les autres, de manière à ce qu'entre les têtes et les épaules j'arrive à cadrer juste ce que je voulais voir [pour] oublier que c'était un homme entier » ; un partage théorique, dans le cas de ce généraliste La vision des différentes zones d'anatomie, régions que l'on étudiait, permettait d'oublier le côté choquant de la visualisation de la mort » ; ou effectif, par exemple dans les souvenirs de ce chirurgien Il faut que je dissèque le maxillaire, que je cherche le facial. Et on voyait pas tellement que c'était la joue d'un bonhomme. » Ainsi, Plus ça allait, moins c'était épouvantable ..., impressionnant, ...ça n'avait plus rien d'un corps humain. » Les étudiants américains se voient demander par leurs enseignants de n'exposer aux regards que la zone sur laquelle ils travaillent, et de recouvrir par des champs opératoires adaptés le reste du corps Segal 1988 20. Un médecin du début du siècle dernier commentait ainsi ces pratiques L'homme studieux, profondément occupé de la partie qu'il recherche, des moyens de l'isoler et d'en découvrir la structure et les usages, ne songe plus au triste spectacle qu'il a sous les yeux, tout entier à sa science il oublie une pitié mal entendue pour des restes inanimés » Panckoucke 1814 Dissection. 16Cette déshumanisation exige la suppression de ce qui est le plus humain » dans l'homme les visages, les mains... Séverine, quand elle reviendra assister aux travaux pratiques, ira demander à l'enseignant de ne pas découvrir les visages », aux USA pendant le reste du travail, faces et organes génitaux sont recouverts par de petits morceaux de tissu blanc Fox 1988 54. C'est vrai que les têtes m'ont marquée, et les mains », Un type à qui on a ouvert la joue ou quelque chose comme ça, parce qu'on reconnaît bien la structure d'un être humain, c'est un peu plus impressionnant. » Une anatomopathologiste italienne nous confiera que lorsqu'elle conduit une autopsie, après l'indispensable examen médico-légal de la face, elle s'empresse de la recouvrir jusqu'à la fin de sa tâche. 17Or, ces diverses manipulations des corps morts, afin qu'ils ne soient plus ni tout à fait des cadavres, ni tout à fait des personnes, ne constituent pas seulement l'apprentissage des premiers gestes techniques que l'on retrouvera, ensuite, lorsque l'ouverture du corps devient le préalable nécessaire au diagnostic et à l'intervention curative. Suspendre l'humanité des êtres à manipuler fait immédiatement surgir d'autres images, s'éveiller d'autres appétits qui n'ont, semble-t-il, que peu à voir avec l'acquisition de compétences médicales. 18 Viande », bidoche », barbaque », voire charogne », surgissent, tout à coup, des exclamations et des commentaires qui fusent autour de la table de dissection ou bien viennent ponctuer, après coup, les récits des exercices d'anatomie15. Et la dimension agressive de ces façons de dire n'échappe pas à ceux qui prennent plaisir à les employer comme autant de défis à ces êtres redoutables, qu'il faut en quelque sorte neutraliser ». Cette violence n'est pas seulement verbale, comme l'atteste cette scène observée à la fin de l'une des premières dissections au centre d'une dizaine de leurs camarades, Christophe et Manuel ont officié, ne cessant de se disputer la prérogative de manier le scalpel et de découper le corps. Qui veut du foie ? Bon appétit. Viens voir le foie ! On dirait du foie gras... », Et des rognons ?... » Soudain, Christophe, pince à disséquer dans une main, s'empare, de l'autre, du bistouri de Manuel, et manipulant ces instruments tels de macabres couverts, se penche sur le thorax ouvert du cadavre d'un air affamé. Ce geste ne suscitera parmi les spectateurs fascinés que quelques ricanements gênés. Et l'un d'eux conclura la séance par un – à peine ironique – Nous étions en classe d'apprentis bouchers ! » 19Cette parenté de la dissection avec la boucherie s'inscrit, on le sait, dans une très longue durée. Écoutons ce qu'au xixe siècle en disait un anatomiste On ne peut s'empêcher de comparer la plupart des élèves qui dissèquent à des bouchers qui passent leur vie à tailler dans la viande, sans jamais se préoccuper des objets placés sous le tranchant du couteau » Forth 1868 2. Ajoutons que les employés du laboratoire d'anatomie et de la morgue sont parfois appelés les garçons bouchers ». Rappelons-nous enfin ces caricatures où chirurgiens anatomistes et anatomopathologistes sont décrits ou représentés avec les attributs des bouchers tabliers blancs maculés de sang et grands couteaux16. Cette assimilation guidait, au siècle dernier, le choix des lieux appropriés à la construction de nouveaux amphithéâtres d'anatomie De tels établissements devraient être rejetés, comme les abattoirs et les clos d'équarrissage, à une certaine distance des localités habitées » Dechambre Amphithéâtre17. Elle compose, enfin, depuis le Moyen Age, l'une des images du chirurgien Pouchelle 1983 125. 20Mais, à devenir étal de boucherie », la table d'anatomie suscite d'étranges manières de table » qui ne font pas seulement basculer nos carabins vers les métiers sanglants mais éveillent en eux le rêve d'une consommation cannibale de chair crue que partagent d'autres mangeurs monstrueux. J'ai faim ! » dit un garçon au début des travaux pratiques, Vas-y, te gêne pas ! » lui rétorque son voisin en désignant un corps. Dès lors, comme dans les fins de repas de pensionnat ou, plus tard, dans ces moments de fête où les jeunes gens se retrouvent entre eux pour des défis relevant de la dépense carnavalesque, la chair interdite se mue, dans de bien réelles batailles, en déchets impropres à la consommation. Y'avait la bagarre de bidoche, ... assez peu se livraient à ce sport, y'en avait un certain nombre qui découpaient de la bidoche et qui vous la flanquaient sur la figure extrêmement désagréable ! » Seuls des praticiens ayant dépassé la soixantaine peuvent évoquer de tels souvenirs, presque identiques à ceux rencontrés dans La pierre d'Horeb Duhamel 1926 et Les hommes en blanc Soubiran 1949, autobiographies romancées de médecins qui font encore figure de modèles pour le parcours du carabin18. Les uns jouaient à la boucherie avec les déchets de leurs préparations, installaient un étal et simulaient des marchandages ; d'autres, retranchés derrière les tables, finirent par se battre avec les débris » Duhamel 71. L'un des protagonistes des Hommes en blanc se justifie ainsi Une bataille de bidoche, c'est naturel, c'est hygiénique, ça détend et ça ne fait de mal à personne, pas même aux macchabées » Soubiran 1949 130. 21Les macchabées survivent donc à ce dépeçage sans merci, dont les effets se lisent sur les étudiants eux-mêmes, telle par exemple, l'apparition assez fréquente de dégoûts alimentaires La première fois, j'ai pas pu manger de la daube pendant longtemps », Moi, je vais devenir végétarienne ». Comme une victoire péniblement acquise sur la répulsion tout d'abord éprouvée, les batailles de bidoche » consacrent l'appartenance au groupe, en déclenchant à la fois la répugnance et le rire libérateur auquel on reconnaît une valeur cathartique – on a tous sorti une blague à la con ... pour tenir le coup »19, et que l'on identifie comme appartenant en propre au carabin puis au médecin De toute façon, tous les toubibs sont comme ça, ils sont vachement cyniques, et l'humour noir, ça compte énormément. » Mais au sein du groupe ainsi constitué, apparaissent des différences significatives. Dès les premières dissections, se dessine une organisation concentrique fondée sur une hiérarchisation des acteurs, qui va permettre à chacun de définir l'intensité de son engagement au sein de l'épreuve collective20, de celui qui est au centre et en fait trop, paraissant transgresser une règle implicite – par exemple en baffant21 les cadavres, en balançant leurs bras », voire en les dilacérant au scalpel » – à celle qui demeure en retrait et critique ses camarades, non, ça me choque », ils s'amusaient avec le corps ... je voyais des vampires ». Autour des macchabées, en effet, garçons et filles sont à la fois unis et séparés. Les étudiantes se trouvent le plus souvent du côté des spectateurs passifs, alors que les attitudes de leurs homologues masculins relèvent davantage du défi, de la preuve à fournir, à soi et aux autres. L'un d'eux ne précise-t-il pas Il y a une espèce d'émulation de groupe, faut pas flancher devant les autres ! » Mais ce partage, bien sûr, n'est pas rigide. Pour passer du côté des garçons, certaines filles adoptent d'emblée les gestes les plus agressifs, elles découpent, plaisantent, parlent haut et fort, d'où la remarque critique de ce médecin Certaines filles étaient plus excitées que les garçons, par le fait d'aller tripoter tout ça. Elles ne se sentaient plus. » 22Mais, en général, à l'assaut des macchabées, les filles sont tenues à plus de réserve, devenant à leur tour la cible des plaisanteries de leurs compagnons d'apprentissage. Aujourd'hui médecin généraliste, Anne se souvient Un jour en sortant de la fac, il pleuvait. Je mets mon capuchon et ils m'avaient mis une oreille dedans. C'était les copains. C'était classique », d'autres glissent des doigts dans les trousses des filles ». Disséminant des fragments comme autant de reliques sur leur passage, les macchabées franchissent le seuil du théâtre d'anatomie on oublie » une tête dans un placard, une main dans un tiroir, on la passe le long du dos de quelqu'un devant soi ». La parole obscène – qui affiche l'identité virile – accompagne bien souvent ces plaisanteries, et là encore, elle prend pour cible les filles. On échangeait des blagues de sexualité de bas étage, surtout s'il y avait une fille », reconnaît un gynécologue-accoucheur. Telle par exemple, cette réponse à la question angoissée d'une étudiante Ils sont complètement nus ? », Mais tu crois pas qu'ils ont un soutien-gorge ! » De ces répliques les garçons ne sont pas protégés, comme en témoigne cet échange dans le couloir du laboratoire Tu en as mis du temps ! », Ben oui, je lui taillais une pipe, au cadavre ! » On peut toutefois penser que l'accès de plus en plus massif des filles aux études médicales favorise l'émergence, au sein même de l'amphithéâtre, de blagues macabres ou obscènes qui autrefois devaient trouver leurs cibles privilégiées à l'extérieur du groupe, les surveillantes, les infirmières trouvaient des doigts, n'importe quoi dans leurs poches », voire à l'extérieur de la faculté Sectionner un sexe de cadavre et le faire pendre à la braguette et aller prendre le car avec ça, et la première personne qui faisait une remarque, on disait "oh, excusez-moi" et on remettait le sexe dans sa poche », Avec une belle bite et une paire de roubignoles dans le sac d'une vieille fille, ça serait encore plus drôle » semble surenchérir ce personnage de Soubiran 1949 132. Les observateurs des anciens usages funéraires ont parfois noté, pour s'en scandaliser, les jeux qui accompagnaient dans les sociétés paysannes, les veillées mortuaires. Par exemple, en pays de Montbéliard, ils [les garçons] s'amusaient parfois du dehors à faire des niches aux filles, à les effrayer, à leur jouer des tours de leur façon. Les divertissements naissant de cette rencontre des garçons et des filles ont maintes fois dégénéré en scandales et même en odieuses profanations » Van Gennep 1946 704-705. La nécessité de se protéger de la dangereuse proximité des macchabées suscite, autour de la table de dissection, le même recours à l'obscénité, mais, en outre, celle-ci n'annonce-t-elle pas la suractivité sexuelle plus particulièrement prêtée à cette fraction des étudiants – les internes – qui se doit d'accomplir jusqu'au bout un parcours de formation jalonné de fêtes et de soirées tumultueuses où doit être éprouvée et exhibée une virilité qu'anticipent les plaisanteries autour des macchabées ? La leçon d'anatomie 23Cependant, cette irruption et cette mise en scène de la violence, de la dérision, de la parole obscène ou blasphématoire n'épuise pas l'éventail des conduites que suscite la manipulation des macchabées. Aux antipodes des diverses formes de transgression, d'autres gestes, d'autres attitudes paraissent tout aussi nécessaires. 24A Toulouse, la première séance de travaux pratiques n'est plus institutionnellement précédée d'un discours fondé sur le respect, la sacralité du cadavre » comme c'est le cas en Italie22 et aux États-Unis, où l'on souligne la générosité des donateurs, le privilège des médecins d'ouvrir les corps et où l'on rappelle le devoir de garder une attitude sérieuse, scientifique Fox 1988 59. Cependant, entre eux, les étudiants admettent des règles implicites qui ordonnent et limitent les conduites en apparence les plus déréglées. Les premiers à les dénoncer sont d'abord ceux et celles qui ont mal supporté les séances Je trouve qu'il y a un respect envers la mort, une dignité qui est pas respectée. Non, ça me choque », mais les participants passifs des scènes les plus mémorables affirment eux aussi l'existence de bornes. Ainsi, la dissection menée par Christophe et Manuel – les dissecteurs cannibales – a suscité les critiques les plus vives on a tous dit quelque chose contre », le principal reproche portant sur le manque de respect » du cadavre, qui suggère un tout autre dérèglement Lui c'est un malade », Il est pas bien... » Mais le même Christophe, sera, à son tour, le premier à condamner l'attitude d'un autre étudiant, censé avoir dilacéré [les macchabées] au scalpel » Y'a quand même un minimum de décence à avoir ! ... Y'a des limites à tout. Faut pas déconner ! » Ainsi, de la même manière que chacun dans le groupe détermine, pour soi, la bonne distance avec le macchabée, il doit apprendre – quitte à les franchir – les frontières du licite et de l'illicite, du toléré et de l'intolérable. Mais qu'entend-on, au juste, signifier lorsqu'on invoque le respect du cadavre » ? 25Là encore, une observation attentive des séances de dissection peut nous mettre sur la voie. Il arrive ainsi que l'on se détourne du mort pour éternuer, qu'on lui demande pardon lorsqu'on le frôle par inadvertance, et que, du moins lors des premières séances, on baisse la voix auprès de lui. Toutes ces précautions s'éclairent si l'on ajoute qu'étudiants et enseignants font souvent le lapsus » entre cadavre et malade ou patient, comme, par exemple, ce garçon de première année On ne voyait que les malades... les cadavres qui étaient sur les tables. » La même assimilation est attestée aux États-Unis, où les étudiants non seulement traitent les cadavres comme des patients, mais s'appellent Docteur » entre eux, et de plus confondent dissection et opération Segal 1988 21. Ainsi l'immobilité de ces corps allongés, aux yeux clos, bien bordés dans leurs linceuls, transforme ces êtres inquiétants en de paisibles dormeurs. Faisant entrer un groupe dans la salle, le garçon d'anatomie plaisante Ne vous inquiétez pas, je leur ai donné un somnifère ! » Un prosecteur, voulant expliquer une particularité anatomique, précise, De toute façon là, le malade est endormi...23 » 26 Respecter » les cadavres, c'est donc tout d'abord reconnaître en eux leur irréductible humanité, et cette attribution prend forme dans une série d'interrogations qui toutes visent à redonner une identité sociale à ces êtres anonymes. Les étudiants cherchent à savoir l'âge, les antécédents, l'étiologie et les circonstances du décès de leur patient ». Qui sont donc ceux qui ont voulu donner leur corps à la science » ? Quelle fut leur vie, quel genre de personnes étaient-ils ? Pour le rendre encore plus familier, les Américains attribuent à leur » mort un nom, voire le marquent à leurs initiales Segal 22. Mais, à Toulouse, l'attribution d'une identité se fait, de manière plus inquiétante, sur le mode de la reconnaissance La façon dont on regarde un cadavre a bien une arrière-pensée, et je pense que [c'est] celle de reconnaître quelqu'un. » Le plus souvent, on n'y voit que des clodos », des vieux », des mendiants », qualifications qui semblent assigner aux macchabées la fonction de médiations entre les vivants et les morts que toutes les sociétés paysannes d'Europe délèguent aux pauvres. Sans aller aussi loin que ces deux médecins, qui se souviennent d'avoir reconnu l'un, un instituteur, que j'avais eu quand j'étais en CE1 ou CE2 », l'autre, une clocharde qui habitait plus ou moins dans le couloir de la maison de ma marraine », plusieurs étudiants nous ont confié que si les premières séances avaient été difficiles, c'était bien parce que ça m'a un peu fait penser à une grand-mère », Le vieux, là, c'était mon grand-père ! » 27Mais, juste retour des choses, cette humanité retrouvée fait s'interroger sur sa propre identité. Faire des macchabées ses propres ancêtres, n'est-ce pas se reconnaître, à son tour, comme participant d'une même nature et d'un même destin ? Ainsi scrute-t-on attentivement les secrets changements qu'opère en soi leur proximité. Retournons dans le couloir du laboratoire, devant la porte encore fermée de la salle d'anatomie. Une fille attend, un garçon sort. Elle Alors ? », lui C'est dégueulasse, ça pue ! Regarde, sens ! » Il l'attrape alors par le capuchon de son manteau et lui plonge le nez entre son écharpe et son cou, Tu sens pas ? », Peut-être, un peu... » répond-elle, inquiète. Or cette odeur, nous le savons, est la première caractéristique des macchabées. Qui la respire s'en imprègne J'ai un copain, après, il était tout le temps en train de se sentir les mains... » Les traités médicaux consacrés, au siècle dernier, aux maladies professionnelles, plaçaient cette odeur au centre des dangers » guettant les anatomistes Les miasmes putrides qu'exhalent les cadavres, et dont s'imprègnent la transpiration, les urines et les matières fécales des anatomistes, peuvent produire sur l'économie une impression funeste, et occasionner des maladies graves » Pâtissier 1822 171. On va jusqu'à élargir les risques à tous les apprentis-médecins en énumérant les Inoculations vénéneuses », les empoisonnements septiques » et surtout les terribles piqûres anatomiques » qui décimaient » leurs rangs Dechambre Amphithéâtre. 28L'épreuve que constitue l'intimité imposée avec les macchabées ne consiste donc pas seulement à voir la mort, mais tout autant à la frôler, à s'exposer à son danger. Aujourd'hui encore, alors que des antibiotiques et des antiseptiques puissants permettent de contrôler le danger septicémique, les moniteurs répètent les mêmes recommandations Surtout, attention de ne pas vous couper ! », et cet étudiant, impressionné, mettra à son tour ses camarades en garde A la moindre coupure, on peut y rester ! » Autant dire que confronté à ces êtres menaçants, on risque à son tour de passer du côté des morts. Traditionnellement, à l'entrée des amphithéâtres d'anatomie, était gravée cette épigraphe Hic locus est ubi mors gaudet succere vitae... A Toulouse, l'ancienne plaque de marbre noir, don des Capitouls en 1686, transportée à chaque déménagement de l'amphithéâtre, est devenue presque illisible, aussi, en face, peut-on lire en rouge sur fond blanc sa traduction C'est ici que la mort apprend à secourir la vie, rassasiée de sang elle y abandonne ses dépouilles, afin que les cadavres des morts procurent la santé à leurs concitoyens. C'est ici qu'une main discrète, animée d'une cruauté pieuse, poursuit les embûches des maladies et met obstacle aux menaces du destin. » Mais, à vrai dire, l'efficacité du savoir acquis auprès des macchabées est d'une tout autre nature. Franchir la porte de l'amphithéâtre d'anatomie, c'est, très exactement, passer dans l'autre monde pour en éprouver soi-même les propriétés. Comme le dit explicitement un généraliste, tirant la leçon de ces travaux pratiques, on ne peut accepter de continuer ses études de médecine que quand on a accepté sa propre mort. C'est-à-dire quand on l'a visualisée ». En cela réside l'épreuve qu'il faut subir. Mais encore faut-il se révéler plus fort que les macchabées qui, tout comme les mauvais morts des représentations coutumières, tendent toujours à entraîner avec eux les vivants. Envahissant la vie nocturne des futurs thérapeutes, la lutte peut prendre la forme répétitive de cauchemars, comme l'a vécu ce neuropsychiatre Moi, je fais partie des gens qui ont failli ne pas faire médecine à cause des macchabées ! ... Je me rappelle encore un rêve, comme si c'était hier, j'étais poursuivi par des cadavres .... Je sautais par les fenêtres, je courais, je montais l'escalier, je revenais dans la salle, et les cadavres couraient après moi. Les types étaient après moi, et ils cherchaient à m'attraper. C'est un rêve qui m'a poursuivi à plusieurs reprises, ça m'avait profondément impressionné. » 29Et l'on peut maintenant donner sens aux batailles de bidoche » qui, à la fois réprouvées et revendiquées, bouleversent le cours ordonné des séances de dissection n'est-ce pas une manière de s'incorporer littéralement la mort et par là même d'acquérir le double pouvoir de revenir, changé, parmi les vivants et de guérir ceux que la maladie fait, provisoirement, passer dans l'autre monde ? Observons le jeune Alain, maintenant chirurgien réputé, à la sortie de sa première dissection dans les années soixante Je vois passer les gens sur les allées, et je me suis dit Vraiment, tu n'es pas comme eux, ce sont des laïcs, toi, tu es un clerc. Ils ne comprendront jamais ce que tu fais. Tu es dans un autre monde qu'eux, et tu sais des choses qu'ils ne sauront jamais. » 30Fiers d'avoir surmonté cette première épreuve, les carabins s'emploient à le faire savoir. A leurs cadets d'abord, pour lesquels ils enjolivent leurs exploits J'en tirais gloriole auprès des première année. » Auprès de leurs aînés, les bizuts sentent bien qu'il est inutile de surenchérir, mais ils savent aussi que cette étape les rapproche d'eux Au moment où ils les font [les travaux pratiques], ils se sentent plus intégrés », remarque après coup un interne. Mais la reconnaissance attendue ne se limite pas au cercle restreint des futurs confrères. Amis et famille doivent, à leur tour, supporter des récits hauts en couleur On fabule vachement, après. Surtout les premiers temps, l'excitation de l'avoir vu, de l'avoir fait .... J'ai peut-être dû les bassiner avec ça » admet une interne en gastro-entérologie, tout comme cet étudiant qui se vante d'avoir écœuré les invités » à la table familiale. Ce faisant, les futurs médecins ne font que se conformer à cette attente sociale qui voit en eux de joyeux carabins », ouvrant et découpant des cadavres comme à plaisir et dont on exige qu'ils fassent partager un peu de leur savoir Parce que les gens, ça les intéresse de savoir si on l'a vu, qu'est-ce qu'on a fait dessus, qu'est-ce qu'on est allés trifouiller », et tous de répéter la question vient des autres ». 31Mais le récit qui soumet parents et amis à une épreuve identique à celle que l'on a soi-même subie n'est pas la seule forme de consécration de cette connaissance nouvellement acquise. Écoutons ce psychiatre Y'avait un photographe qui venait chaque année et tout le monde prenait sa photo autour du cadavre. » La photographie vient ainsi fixer un passage auquel elle donne la dimension d'une cérémonie. 32Ritualisation que l'on retrouve aux USA, dans l'institution du grand banquet que les enseignants d'anatomie président, auquel toute la promotion assiste et qui clôture le cycle d'enseignement Segal 23. Récits et images qui fixent » la traversée de cet au-delà sont, parfois, accompagnés d'un geste purificateur, tel ce bûcher qu'allume, aux États-Unis, l'un des professeurs d'anatomie, pour brûler les vêtements portés par les étudiants au cours de l'année écoulée Chicago Tribune 21/01/82, cité par Segal 25. En France, les étudiants ont la possibilité, à l'issue des séances de dissection, d'acheter os et crânes provenant des macchabées, ils les conserveront avec eux tout le long de leurs études, voire de leur carrière. Comment ne pas y voir autant de trophées témoins de leur passage de l'autre côté, du côté des morts ? Lors même que cette épreuve est refusée, certains lui substituent des usages équivalents, tel ce généraliste qui retrouve les gestes de l'initiation coutumière des garçons Quand j'étais en première année, je suis allé à la fosse commune de mon village, la fosse commune qui m'avait toujours impressionné étant enfant ... J'ai ramené un tibia, le crâne et le maxillaire inférieur ... Ce crâne que j'ai ramené m'a toujours servi, parce que je le mettais à côté de moi. » 33Ainsi, parallèlement à l'enseignement scientifique qu'elle dispense, l'université accueille, voire organise, une forme paradoxale d'expérience, qui permet aux étudiants d'acquérir un savoir sur la mort qui ne relève en rien du corpus de connaissances et des modèles explicatifs de la médecine contemporaine. Véritable exigence coutumière, la leçon d'anatomie soumet donc le futur thérapeute à une transformation durable, ça te passe au moule » dit précisément l'un d'eux, en transposant dans l'amphithéâtre les jeux des garçons avec l'au-delà. Mais ici, blagues macabres, incursions dans les cimetières, masques terrorisants des revenants24 prennent une allure bien particulière pour métamorphoser de misérables corps donnés à la science » en ces redoutables dispensateurs du savoir sur la mort que sont, non pas tant les maîtres de la Faculté, que les macchabées, auxquels il faut tout à la fois se soumettre et résister, et sur l'identité desquels nous devons une dernière fois revenir. Martyrs et bourreaux 34Dans le journal de Félix Platter, étudiant en médecine à Montpellier de 1552 à 1559, comptes rendus de dissections et de mises à mort en place publique alternent, voire se superposent Le 3 décembre [1556] eut lieu l'exécution de Béatrice .... Elle fut pendue sur la place .... Le corps fut donné à l'amphithéâtre d'anatomie .... Enfin le bourreau vint reprendre les débris, les lia dans un drap, et les suspendit à une potence » Platter 1979 145. Les xvie et xviie siècles virent une même popularité des exécutions et des anatomies publiques. Giovana Ferrari 1987 100 insiste sur le fait qu'en dehors des démembrements et autres mutilations relevant d'une même mise en scène ritualisée de la violence, le principal point commun entre ces deux spectacles, c'est bien le corps du condamné. D'autre part, les anatomistes n'opéraient que sur des suppliciés, de sorte que l'on a pu voir dans la dissection un prolongement du supplice subi par le criminel » Pouchelle 1976 274. Si tenace est cette homologie qu'elle se retrouve au xixe, dans cette critique du Conseil d'amélioration des prisons en livrant au scalpel des anatomistes les restes des détenus, on aggrave de cette manière leur punition » D'Arcet, Parent-Duchatelet 1831 280, et qu'elle fonde, selon ces mêmes auteurs, la haine que le bas peuple porte aux jeunes anatomistes » qui disposent, pour les besoins de la science, des restes des pauvres et des misérables » ibid. 250. Les équivalences entre anatomie et exécution, corps anatomisé » et corps exécuté, se prolongent jusqu'aux acteurs qui apparaissent comme interchangeables Il arrive même que le personnage du chirurgien se confonde avec celui du bourreau, soit que les criminels soient exécutés de la façon choisie par les anatomistes qui le disséqueront ensuite, soit que des expériences soient tentées sur des condamnés » Pouchelle 1976 27425. Dans le Massachusetts, au début du xixe siècle, une loi donnait au coroner la disposition du corps des hommes tués en duel, soit qu'il les fasse enterrer sans cercueil et transpercés d'un pieu, soit qu'il les livre à un chirurgien pour être disséqués Haggard 1929 159-160. 35Or, qui dit bourreaux dit martyrs, et c'est bien ainsi que se présentent les macchabées. L'Encyclopédie de Berthelot 1888 Macchabée signale l'usage du mot Macchabee ou Macabit par les mariniers, pour dénommer un cadavre trouvé flottant sur l'eau. Un noyé donc, au corps difforme et méconnaissable, à jamais privé de vraie » sépulture, un mauvais mort26. Le Petit Larousse 1979, pour illustrer l'adjectif Macabre, cite cet exemple Faire une découverte macabre dans la Seine repêcher un cadavre », cette parenté entre noyés et macchabées est encore bien présente, comme en témoigne cette remarque d'une interne en biologie On nous avait dit qu'à Paris il y avait une grande piscine pleine de formol où on mettait tous les cadavres à tremper. » Mais selon Philippe Ariès 1977 118, l'emploi du mot Macchabée pour désigner un cadavre date du xive siècle, et aurait la même origine que Macabre le martyre de sept frères juifs, dits Les Macchabées », décrit dans le deuxième Livre des Macchabées 2M618-73 et surtout le quatrième, apocryphe Vigouroux 1908 Macchabées. Ainsi, tout comme les martyrs de l'Ancien Testament auxquels ils empruntent leur nom, les macchabées sont condamnés, à travers les dissections, à subir un véritable martyre – Écorchez-le vif ! » s'écriera un garçon pour encourager ses camarades à inciser –, qui, comme tel, exige réparation. 36 Le premier novembre, fête des morts, ... il y avait une messe des morts pour les corps qui étaient disséqués .... Cette année j'ai dit dans mon cours "Je vais vous raconter une tradition du laboratoire d'anatomie. Puisque cette année vous avez eu l'occasion de disséquer avec moi, je voudrais qu'on le refasse ...." Et on a organisé une messe chez les dominicains qui sont derrière la fac. Voilà, résurgence d'une tradition perdue. C'était une grande tradition, la messe des Macchabées ça s'appelait, qui était dite pour ces... gens. » Ce témoignage contemporain marque la continuité d'une vénérable coutume dont les premières traces remontent à avril 1493 dans un relevé des dépenses consigné par le doyen de la Faculté de Paris, Jean Lucas, sous la rubrique Anatomie ... item pro sacerdoce qui corpus inhumavit, et pro missa per cum celebrata pro anima deffuncti 4 sol parisis » Wickersheimer 1910 166. En 1496, la Faculté décrétait officiellement que tout corps disséqué serait inhumé en Terre Sainte et qu'on célébrerait une grand-messe en son honneur Dechambre Anatomie. A Bologne, des offices avaient lieu en même temps que la dissection jusqu'à dix à quinze jours d'affilée, dans une chapelle voisine, aux frais du professeur Ferrari 1987 51. Encore aujourd'hui, en Italie, on trouve des crucifix dans les salles où l'on travaille sur les cadavres. 37Les mêmes connotations religieuses traversent les récits autobiographiques lorsqu'ils évoquent la profanation » des cadavres ou, au contraire la piété » requise envers ceux qui sont sacrifiés » sur des autels » Duhamel 1927 71, semblables à de pathétiques crucifié s aux bras suppliants » Soubiran 1949 119. Cette assimilation sous-tend encore les illustrations du Nouveau recueil d'ostéologie et de myologie de Gamelin 1779 dans lequel sont représentés, parmi d'autres, un crucifié, des squelettes arrachés à leur repos sépulcral par les trompettes du Jugement dernier27... Autant d'indices de cette irréductible part de sacralité que l'on persiste à reconnaître aux macchabées. Honorés par l'Église comme patrons des morts parce qu'ils étaient réputés, à tort ou à raison, les inventeurs des prières d'intercession » Ariès 1977 33, les macchabées sont ainsi les premiers passeurs de ceux qui se destinent à l'exercice thérapeutique. Après cette première épreuve, les carabins pourront poursuivre leur formation qui continûment conjuguera l'acquisition de connaissances scientifiques et l'exploration sous d'autres formes – autodiagnostics de maladies incurables, absorption de médicaments, ivresses et mises en scène macabres, enterrement des anciens » de l'internat – de cet autre monde auquel ouvre l'accès aux macchabées qui doivent être, comme dans la chanson, engueulés, dépecés, mangés, enterrés... Top of page Bibliography Amiel C., 1993. A corps perdu », Hésiode, Cahiers d'ethnologie méditerranéenne, n° 2, La mort difficile » sous presse. Ariès P., 1977. L'homme devant la mort, Paris, Ed. du Seuil. Baudrillard J., 1972. 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Pour les premiers, disséquer eût été déchoir, mais ils entendaient néanmoins contrôler la pratique des chirurgiens en exerçant un monopole sur l'attribution et la dissection des cadavres, devenus ainsi enjeux de pouvoir. 4Cf. Foucault 1963. 5Nous nous référons aux travaux sociologiques et anthropologiques de Fox 1979 et surtout de Segal 1988 sur l'enseignement de la médecine, en particulier les dissections. 6Comme ce fut le cas jusque dans les années soixante-dix. 7Après avoir, tout d'abord, travaillé à partir de souvenirs de praticiens, j'ai ensuite suivi les travaux pratiques d'anatomie avec les étudiants de deuxième année de médecine de la faculté de Toulouse Rangueil, grâce à la bienveillance du Dr Alain Chancholles, que je remercie chaleureusement. Je remercie également M. Roux, garçon d'anatomie, pour sa disponibilité et sa gentillesse. Des enquêtes comparatives ont été réalisées grâce à une bourse de la direction du Patrimoine pour l'année 1992. 8 La région scapulaire comprend toutes les parties molles placées en arrière de l'omoplate et de la région axillaire ... [C'est] une articulation fonctionnelle [qui] permet les mouvements de l'omoplate sur le thorax », et 1991. Anatomie humaine, 13e édition, Paris, Masson 218, 259. 9Il existe une hiérarchie spécifique de l'enseignement des travaux pratiques d'anatomie, que nous explicite ce chirurgien, ancien aide d'anatomie et qui l'enseigne toujours Le grand patron était chef de travaux, agrégé ou non, puis il y avait un prosecteur d'anatomie, un vieux titre [institué en 1795], qui était nommé par concours pour deux ans, très difficile, et puis il y avait les aides d'anatomie [actuellement appelés les moniteurs], nommés pour deux ans ... Y'avait les gens qui venaient de passer l'internat, qui préparaient l'adjuvat d'anatomie, et assistaient pendant un an, ils ne faisaient que regarder. » 10Ce passage obligé par les cadavres avant d'en arriver à la confrontation à des patients bien vivants, a d'ailleurs suscité de vives polémiques dans les années soixante-dix, et on y a vu – en particulier les psychanalystes – la source de nombreux problèmes de la médecine scientifique et technique, cf. par exemple Baudrillard Pour la médecine, le corps de référence, c'est le cadavre. Autrement dit le cadavre est la limite idéale du corps dans son rapport au système de la médecine. C'est lui que produit et reproduit la médecine dans son exercice accompli, sous le signe de la préservation de la vie » 1972 96. 11De même, les spécialistes opposent les travaux pratiques des premières années aux nécropsies Les nécropsies, on allait chercher quelque chose de précis », on n'allait pas chercher n'importe quoi ! » 12La fréquentation des morts n'est qu'un des aspects de cette formation et consiste à expérimenter la frontière entre les vivants et les morts, voir Fabre 1987. 13On observe donc une subversion de la destination de ces figures, initialement destinées à représenter au mieux le corps humain, d'où leur réalisme parfois saisissant, voire choquant pour le profane, comme en témoignent les dictionnaires et encyclopédies du xixe siècle Elles [les cires] peuvent mentir aux regards du plus scrupuleux observateur, tant que le toucher ne vient pas constater le mensonge » Larousse 1866-1889, Anatomie. 14Cette citation est extraite d'un roman de Paul West, Le médecin de Lord Byron Paris, Rivages poche, fondé sur le journal tenu par le jeune Dr Polidori en été 1816, alors qu'il était le médecin personnel de Lord Byron en déplacement en Europe. 15La transformation des cadavres en viande n'est pas propre aux médecins, on la retrouve dans l'appellation argotique du mort la viande froide, qui désigne d'autre part, en jargon journalistique, le stock de manchettes annonçant le décès de personnalités importantes, préparées à l'avance et tenues à jour, afin de parer à toute éventualité. Enfin, dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, les soldats conjuraient l'horreur quotidienne en transformant en bidoche » leurs camarades tombés au combat et dont les corps jonchaient en désordre les champs de bataille Desbois 1992 66. 16Cf. Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues Chirurgiens, les appeler bouchers », Paris, Le Club français du Livre, 1950 956. 17Il est fait allusion ici au décret du 15 octobre 1810, relatif aux établissements dangereux et insalubres, en particulier à leur exil hors des villes. Les salles de dissection ne feront en fait jamais partie de leur nomenclature et pourront donc rester dans l'enceinte des grands hôpitaux, au prix de règles d'hygiène draconiennes D'Arcet, Parent-Duchatelet, 1831 266-267. 18A tel point qu'un jeune chirurgien nous confiera qu'il a été un peu déçu, si on peut dire, par rapport à ce qu'on pouvait lire dans les différents bouquins, comme Les hommes en blanc de Soubiran, ou des dissections que l'on faisait dans les anciens temps ». Par ailleurs, on peut lire ces textes comme de véritables romans d'apprentissage au début l'installation du jeune provincial à Paris, son inscription à la faculté de médecine, puis l'expérience des dissections, détaillée et valorisée, ensuite l'hôpital, les malades, les concours, et pour conclure, le début d'un nouveau cycle, celui de l'internat. En même temps que son initiation professionnelle, le carabin découvre le sexe opposé, les façons de la courtiser, l'amour et ses revers, et il devient ainsi un homme accompli. 19Ainsi Roger Caillois analyse-t-il le comportement familier » voire impertinent », des soldats sur les champs de bataille envers les victimes non enterrées On pousse du pied ces restes misérables, on les bafoue par la parole ou par le geste pour n'en pas prendre peur ou éviter d'en être obsédé. Le rire protège du frisson » 1950 227. 20On retrouve ici une différence analogue à celle que met en évidence Daniel Fabre dans son analyse des façons de faire des garçons pendant le Carnaval et les autres temps qui les rassemblent pour faire la jeunesse, en particulier à l'occasion de la prise des paris alimentaires et scatologiques Fabre 1986. 21C'est-à-dire en leur donnant des gifles, sens populaire du verbe baffer. Le Robert 1980 donne comme racine de baffe, baf, exprimant l'idée de bouche, d'où coup sur la bouche », il précise qu'on l'écrivait parfois baffre ou bâfre, et renvoie à baffrer, qui dans un premier sens voulait dire bafouer, bruit des lèvres, puis manger gloutonnement et avec excès. 22Enquêtes réalisées à Rome, Naples et Ascoli en mars 1992. 23Chaptal, dans ses mémoires, raconte comment après avoir vraiment vécu le réveil du mort » qui donc ne l'était pas tout à fait lorsqu'il disséquait, fut tellement effrayé qu'il s'orienta ensuite définitivement vers la chimie et l'industrie Peter 1980 301 note I. Par ailleurs il semble bien que les premiers anatomistes aient pratiqué des dissections sur des condamnés vivants, plus ou moins bien endormis à l'opium Brown 1981. 24Voir Fabre 1987. 25Les correspondances entre chirurgiens et bourreaux s'étendent, on le sait, au-delà des dissections, objet de ce travail. 26 Ces messes, destinées au salut de l'âme des condamnés, ont été analysées par Pouchelle 1983 comme tout autant nécessaires à celui des acteurs de la dissection, souillés par cette profanation. 27Ce manuel ne connaîtra aucun succès et même ruinera son auteur. On lui reprochera l'excès d'originalité des positions de ses cadavres. En effet, les mises en scène de squelettes ou d'écorchés autour de sortes de stèles funéraires sont assez fréquentes dans les traités d'anatomie, on trouve aussi des écorchés présentant leur peau tel saint Barthélemy, par contre, les crucifiés, mêmes s'ils ont été étudiés par les artistes, illustrent très rarement les ouvrages scientifiques. Cette singularité a été attribuée à une obsession de la mort chez Gamelin Binet, Descargues 1980 94-95.Top of page References Bibliographical reference Emmanuelle Godeau, Dans un amphithéâtre... » »,Terrain, 20 1993, 82-96. Electronic reference Emmanuelle Godeau, Dans un amphithéâtre... » », Terrain [Online], 20 March 1993, Online since 18 June 2007, connection on 23 August 2022. URL ; DOI of page Georges Brassens Jean Bertola TransposerGeorges Brassens Jean BertolaSong A A C7Calme, confortable, officiel, Fm CmEn un mot résidentiel, D A Tel était le cimetière où, B7 E7 Cet imbécile avait son trou. C E7 Comme il ne reconnaissait pas, Am EmLe bien-fondé de son trépas, F C L'a voulu faire, aberration ! Fm C G7 C E7Sa petite résurrection. A C7Les vieux morts, les vieux ici-gît », Fm CmLes braves sépulcres blanchis, D A Insistèrent pour qu'il revînt, B7 E7Sur sa décision mais en vain. C E7 L'ayant astiquée, il remit, Am EmSur pied sa vieille anatomie, F C Et tout pimpant, tout satisfait, Fm C G7 C E7Prit la clef du champ de navets. A C7Chez lui s'en étant revenu, Fm CmSon chien ne l'a pas reconnu D A Et lui croque en deux coups de dents, B7 E7Un des os les plus importants. C E7 En guise de consolation, Am EmPensa faire une libation, F C Boire un coup de vin généreux, Fm C G7 C E7Mais tous ses tonneaux sonnaient creux. A C7Quand dans l'alcôve il est entré, Fm CmEmbrasser sa veuve éplorée, D A Il jugea d'un simple coup d'œil, B7 E7Qu'elle ne portait plus son deuil. C E7 Il la trouve se réchauffant, Am EmAvec un salaud de vivant, F C Alors chancelant dans sa foi, Fm C G7 C E7Mourut une seconde fois. A C7La commère au potron-minet, Fm CmRamassa les os qui traînaient D A Et pour une bouchée de pain, B7 E7 Les vendit à des carabins. C E7 Et, depuis lors, ce macchabée, Am EmDans l'amphithéâtre tombé, F C Malheureux, poussiéreux, transi, Fm C G7 E7Chante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! F C Malheureux, poussiéreux, transi, Fm C G7 CChante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! Georges Brassens > Le Revenant >

dans un amphithéâtre y avait un macchabée